Niveau 2 : Bataille

La trappe sous vos mains est un assemblage de trois planches en bois dur, violet. Un gros anneau permet de la soulever ; vous vous en emparez.

L’ouverture laisse une petite quantité de sable filer, par le trou. C’est ce qu’il restait sur le dessus. Ce qu’il restait sur vos mains. Vous vous rendez compte, au fur et à mesure que le petit plancher se lève, qu’il est en fait très lourd. Vous avez toutes les peines du monde à le maintenir à la verticale. Vos doigts s’écorchent sur de petites échardes.

Finalement, vous parvenez à le repousser du bon côté ; alors, soulevant un nuage noir, la trappe heurte le sol.

La porte menant au niveau suivant est ouverte.

Vous vous penchez par-dessus bord, précautionneusement.

Le paysage qui s’offre à vous est, cette fois, un monochrome de rouge. Vous vous situez au niveau du plafond, du ciel de ce nouveau monde ; mais, ce n’est pas très haut. L’hésitation, ainsi, ne vous prend pas longtemps. Vous vous glissez par l’ouverture, les pieds devant, vous suspendez par les mains brièvement ; vous vous laissez tomber, ensuite, sur le sable écarlate.

L’atmosphère, ici, est complètement différente du niveau précédent. Finies, les jolies glissades sur les dunes ; finie, la douceur de sensations. Ici, le sol est complètement plat. Plus de courbes, juste une ligne.

Une ligne dont le sang crie.

Vous vous penchez en avant, vérifiant cette dernière affirmation. C’est bien exact : les grains de sable rouges, tous autant qu’ils sont, émettent une vibration légère. Et tandis que vous approchez encore plus votre visage du sol, vous vous rendez compte que chaque particule est en conflit avec l’autre. Et des entrelacs de fer, d’épées miniatures, des coups de fusil et de canon ; les grains de sable s’entre-tuent juste sous votre nez, oui, tous autant qu’ils sont, milliers de milliers

Vous marchez sur un champ de bataille qui n’en finit pas.

Les grains de sable ont des jambes, des bras. Leurs petits visages sont cachés sous des casques, différentes formes et étendards. La bataille qui a lieu oppose certains à d’autres ; mais, ce n’est pas vraiment clair. Vous apercevez des bouts de couleur similaire qui s’affrontent ; la trahison existe. Certains, songez-vous alors, n’utilisent la guerre que comme un prétexte. Beaucoup, même. Et le reste, vous rendez-vous compte en contemplant les combats à mort sous vos pieds, le reste ne vaut pas mieux : pouvoir, écrasement. Leur seule manière de véhiculer une pensée est par la mort.

En même temps que, depuis votre position de démiurge, vous vous dites tout cela, vous réalisez que « tout cela » est votre toute première pensée. Et alors, les interrogations arrivent : si les grains de sable ont imaginé votre existence, d’où venez-vous exactement ? Y avait-il un avant ?

La confusion vous saisissant, vous plongez les doigts dans le champ de bataille ; une poignée de combattants, nombre infini déjà. Vous écartez la paume, levez le poing à hauteur de votre visage. Les guerriers tombent en cascade entre vos doigts.

Vous soufflez sur les grains pour les éparpiller.

Vous jetez la poignée au sol, vous relevez et continuez d’avancer.